La veille, je n’avais rien vu, perdu dans la pénombre des extrémités de la ville. Mais au petit matin, alors que le soleil réchauffe à peine les herbes, je l’ai vu, ce trou dans le mur. Nous pourrons finalement entrer, bien que je craigne un instant de rester coincé.

Après un dédale de petites pièces aux cloisons éventrées et bureaux renversés, nous apercevons une lueur au bout d’un couloir. Et nous débarquons, hébétés, sous la cathédrale de verre immense de l’hôpital. Je ne pense plus, je regarde, les yeux écarquillés, ce géant architectural. A cette heure matinale, en pleine semaine, il n’y a que les pigeons pour s’effaroucher de ma présence. Et ça roucoule, ça volète dans les pièces, dérangés dans leur léthargie aviaire.

Bien que l’odeur agresse mes fosses nasales, je monte au dernier étage pour débuter l’exploration. Et tandis que s’effacent un peu l’angoisse et l’adrénaline, je commence mes photos. La lumière chaude du soleil matinal de ce début de printemps m’émerveille. Elle se glisse par le moindre interstice et vient déchirer la pénombre qui s’accroche. Comme si elle chassait les derniers vestiges de la nuit. C’est un nouveau jour, pousses-toi de là, c’est enfin mon tour. Et moi, naïvement, j’ai l’impression d’être seul au monde, de pouvoir profiter d’un moment unique. Dans un entre-deux temporel et spatial.

Tout en essayant de comprendre et de saisir l’immensité de l’hôpital, je me concentre plus sur les détails… Un carré de lumière sur un mur à la texture étrange, un panonceau sur une porte, un pauvre cadavre de pigeon, un reste de chaise toute dépecée, le reflet d’une fenêtre ouverte dans une petite mare…  Puis, comme d’habitude, je m’arrête cinq minutes pour écouter ce monde autour de moi.