Château Schrödinger (03/2022)
Cette exploration s’est faite en fin d’après-midi après de nombreux repérages ratés, de marche et d’heure de route. J’ai fait les photos au smartphone, veuillez donc par avance en excuser la piètre qualité.
Notre expédition touche bientôt à sa fin et l’ensemble des lieux que nous avons repérés ne sont pas accessibles. Caméra, alarme ou vigiles… Nous nous rabattons vers un château que Tim connaît dans le coin. La route ne sera pas longue, nous avons fait le principal ce matin.
Garés sur le parking d’un supermarché, nous partons à travers la forêt pour un bon quart d’heure. Bientôt, les restes d’un camp de sans-abris apparaissent sur notre gauche. Nous longeons ensuite un plan d’eau et le château se dévoile derrière quelques sapins. Nous en faisons d’abord le tour, prudemment. Les alentours sont clairement en travaux : arbustes coupés, terre retournée, mur de parpaings détruit, fenêtres obstruées… Derrière sont garés des engins de chantier et dans un coin des bûches finissent de brûler. Bon, le coin est fréquenté. Pendant que Tim prépare son tour, je termine le tour du château et découvre ce que je crois être une entrée. Je me suis emballé trop vite car il s’agit simplement d’une sorte de guérite. Tant pis.
Après une petite séance de photos au drone, nous nous apprêtons à repartir, démotivés par les échecs du matin, la marche, la conduite, etc. Je décide finalement d’aller voir un grille de plus près (finalement fermée) quand nous apercevons une fenêtre par laquelle nous pourrions passer. Comme des chats, nous nous faufilons, tentant de réduire la masse de nos corps. Nous voilà dans les sous-sols, cachés dans la pénombre. Nous n’y trouvons rien d’intéressant et passons au rez-de-chaussée.
Très vite, nous comprenons que le château est bien abîmé, visité et que des travaux sont en cours. Un établi avec du matériel nous le confirme. Mais de façon assez étonnante, les boiseries sont encore présentes. Assez travaillées, tout en arabesques, elles m’aident à imaginer la vie du château et la vie qui grouillait. Au fond de l’enchaînement des pièces, nous tombons dans la salle à manger et les cuisines. Et petite curiosité, nous découvrons le logement du personnel de maison. Bas de plafond, exigu et très simple. Le monde se divisait déjà en deux à l’époque : grandes pièces et château pour les maîtres, petits espaces exigus pour le personnel de maison.
En repassant par l’une des grandes pièces, Tim m’indique le plafond et je découvre de magnifiques décors peints. L’un représente un ciel, entouré de verdure et d’oiseaux. L’autre est une frise simple mais détaillé, rouge et jaune. Le temps est passé mais leur état de conservation est exceptionnel.
Nous empruntons l’escalier principal, bel ouvrage en fonte du XIXe siècle, pour atteindre le premier étage. L’espace est alors beaucoup plus lumineux et ouvert à tous les courants d’air. Les fenêtres n’étant pas condamnées, nous avançons avec discrétion. Marche, petite course, marche, etc… Petit jeu étrange de l’explorateur qui veut assurer sa tranquillité.
Les pièces sont ornées de tags, messages, graffitis et autres traces ou dégradations. Certaines me laissent de marbres, d’autres nous font rire (“Mangez des fachos, pas des animaux“) et d’autres réveillent des souvenirs (La Panthère Rose).
À une extrémité du couloir, je tombe sur un cabinet de toilettes. Un chauffe-eau neuf et sa plomberie rutilante y sont installés. Quel est l’état de ce château au final ? En travaux ? À l’abandon ? Je me perds dans mes réflexions lorsque j’entre dans la pièce suivante. Elle fut squattée, sans aucun doute. Reste de repas en conserve, lit, armoire, vêtements… Dans un fulgurance, je décide alors de nommer ce château du nom de ce physicien qui théorisa l’expérience féline qui porte son nom, Erwin Schrödinger. À l’image de sa démonstration, le château est-il abandonné ou en travaux ? Je ne saurais véritablement jamais.
Après cette déambulation, nous passons au dernier étage, sous les toits.
Ici, les pièces évoquent tout de suite des chambres, peut-être celles des enfants des propriétaires, ou d’une colonie de vacances. L’état des la toiture est désastreux mais une réparation globale empêche la structure de s’effondrer. Madriers et clous tiennent bon. Les sols laissent parfois passer le jour et il faut parfois redoubler de prudence. L’espace du dernier étage est vite couvert et exploré.
Le château Schrödinger me laisse une impression ambigüe. Après recherches, je suis étonné qu’un tel lieu, avec de belles heures derrière lui, d’illustres occupants, se retrouve ainsi laissé à la merci du temps. Sera-t-il rénové, réhabilité ? Nous ne parvenons pas à savoir qui en est aujourd’hui le propriétaire. Les travaux sont-ils l’œuvre de la ville ? D’un particulier ? En tout cas, il y a énormément à faire. Et je serai le premier réjoui d’une éventuelle nouvelle vie. Le château me touche et je décide de m’atteler à décrire un peu son histoire, sans trop en dévoiler. Afin de ne pas gêner sa réhabilitation et les gens, quels qu’ils soient, qui y travaillent.
Je me fais la promesse d’y revenir, si cela m’est possible, pour mieux photographier les espaces et les plafonds. Et puis, maintenant, ce château, je l’ai dans la peau. En sortant, je me suis éraflé la cuisse droite. Oui, je n’ai pas le profil le plus mince pour de l’exploration urbaine, je sais. Il faut dire que ce passage est le plus petit par lequel il m’ai été donné de passer. Je n’irai sans doute jamais dans les catacombes, sous peine de rester coincé.
Un brin d'histoire
Au cœur d’un domaine de quinze hectares, le château Schröndinger débute sa longue existence comme une résidence de chasse au XIIIe siècle. Un peu comme tous les châteaux d’Europe. (Versailles n’était à l’origine que cela). D’illustres nobles et dignitaires viennent profiter de la nature et du gibier environnants. Une guerre passe et le château subit quelques dégradations, puis il change régulièrement de propriétaires.
Au lendemain de la Révolution, il acquiert son aspect final suite aux travaux d’un haut fonctionnaire, propriétaire de l’époque. Cependant, les établissements religieux attenants sont détruits.
Les tours d’angles qui sont aujourd’hui visibles sont construites au début du XIXe siècle par quelqu’un du coin.
Les boiseries intérieures et l’escalier en fonte datent à peu près de la même époque.
Je ne peux en dire plus sous peine de dévoiler la localisation du château Schrödinger. Et vu son état de conservation et les travaux à entreprendre, et qui sont d’ailleurs en cours, je m’arrête ici sur la parti histoire. Je n’ai pas réussi à dater la date et la raison de son abandon. Mais j’attends avec impatience le jour de son renouveau.
1933 – L’ensemble du domaine semble être à l’apogée de son existence. Sorte d’orangerie à gauche, alentours su plan d’eau entretenus et verger (?) à droite. En haut, en accès direct aux grands axes de communication.
1949 – Bon état général du domaine Schrödinger, malgré la Seconde guerre mondiale. Situé dans un zone de combat, le château semble miraculeusement épargné.
1959 – Dix ans plus tard, tout est là. Mais que se passe-t-il au château ? Qui en est l’heureux propriétaire ? Y a-t-il une activité ? Une production ?
1982 – Le domaine vit bien. La plantation a changé de place pour se retrouver plus près du plan d’eau (en bas à droite du cliché). Depuis le premier cliché de 1933, on peut remarquer la construction et l’agrandissement d’une zone d’activité (en haut à gauche).
1990 – Le château Schrödinger apparaît plus feuillu, un peu plus délaissé. L’orangerie et la plantation prennent leurs aises.
2011 – Cette fois, l’abandon est manifeste, du moins celui du château. L’orangerie est perdue sous les arbres et la plantation est devenue une forêt.
• Le même lieu vu et raconté par Glauque Land
Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que le château Schrödinger sera abandonné. Respectons-le pour la vie qu’il accueillit jadis, pour les gens qu’y travaillèrent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).