Un peu photographe, un peu curieux, surtout passionné…
Forteresse Brezno (06/2023)
La montée est rude, les cailloux roulent sous nos chaussures, mais à l’abri des arbres et dans une fraîcheur bienvenue, nous continuons. Devant l’entrée fortifiée du domaine, la grille ni même les rares panneaux ne retiennent plus personne. Perdus devant l’immensité des lieux, nous nous dispersons à droite et à gauche selon les envies de chacun. Évidemment, je me perds quelques instants dans les hautes herbes avant de m’orienter vers la bâtisse la plus régulière et entière du site.
À peine deux pas à l’intérieur et je me prends un mur olfactif. Ça sent la biquette à plein nez et le sol est recouvert de leurs déjections. Tant pis, je ne vais pas perdre mon temps à slalomer, j’avance. Au rez-de-chaussée, les salles sont immenses mais vides. Salon de réception, salle à manger, cuisines et pièces annexes… Celles-ci accusent le temps et le passage des hommes, et des biquettes sans doute. Seuls quelques éléments de décorations sur les murs ou au sol peuvent encore rattacher la Forteresse Brezno à son passé. Puis au fond d’une supposée cuisine, un dégagement impressionnant vers une tour médiévale. Vidée de ses étages, elle ouvre une perspective bienvenue vers le ciel. Je ne m’y risque pas et préfère passer à l’étage. Mon côté obsessionnel sans doute. J’aime bien finir ce que j’ai commencé, dans un ordre assez précis.
Les biquettes ont aussi investi le premier étage et vécut leur meilleure vie. Les fenêtres ouvrent en effet sur la plaine en contrebas et la vue est imprenable. Tant mieux pour elles. Les pièces sont plus petites et ressemblent à s’y méprendre à des chambres collectives. Mais, rétrospectivement, je ne me souviens pas avoir vu de sanitaires. Étrange. C’est en découvrant sur un mur une liste de patronymes que se révèle alors les usages passés de la Forteresse : colonie, centre, caserne… Doucement, j’explore les pièces, caresse les murs de briques qui s’effritent, observe la peinture qui s’écaille, profite du paysage par les fenêtres dont il ne reste plus que les cadres.
Enfin, terminant la découverte de ce bâtiment, je passe au deuxième et dernier étage. Seule une pièce carrelée est accessible, le reste étant muré. L’agencement est idéal et l’ouverture du fond emmène le regard sur la plaine au loin. Assis, je prends mon temps pour bien cadrer mes clichés et apprécier le moment.
Le temps est déjà passé bien vite et ressortant du domaine des biquettes, un ensemble médiéval à ma gauche attire mon attention. Harnaché comme un sherpa, j’éprouve quelques difficultés à monter sur ces hauteurs. Racines et chaussures de marches assureront mon salut. En furetant entre les dédales médiévaux de cette partie, je découvre de nombreuses inscriptions sur les murs épais. Certaines ont bien plus de cinquante ans et trahissent le passage d’amoureux et d’explorateurs tous aussi différents les uns que les autres.
Et tout d’un coup me revient en mémoire cette tour au fond de la cuisine. Je dois absolument y jeter un œil. Redescendu sur la place centrale, je me dirige rapidement vers les autres bâtiments ou dépendances de la Forteresse. Mais vu leur peu d’intérêt, j’en fais le tour assez rapidement, non sans en laisser quelques trous dans mon pull et pantalon. Mince, j’ai oublié si j’étais à jour dans mon vaccin du tétanos !
Avant de déjeuner et tandis que mes camarades finissent leur tour de la Forteresse, je décide enfin de monter dans la tour. C’est étroit, exigu, vertigineux et me voilà bientôt couvert de poussière blanche. Tout au long de mon ascension, les inscriptions gravées dans les murs m’interpellent. 1847, 1849, 1860 mais aussi 1940, 1944, 1945, 1952… Des noms français mais également américains, canadiens. C’est là toute une diversité mondiale et temporelle qui s’affiche. Et vraisemblablement je ne suis ni le dernier ni le premier à passer dans ces lieux. Voilà une étrange sensation que de lire les marques de passages de mes congénères ancrés dans la pierre. Pour une fois, ce besoin si humain de laisser sa trace est resté respectueux des lieux. À mon grand regret, je ne peux tout documenter et recenser mais bientôt mon téléphone se remplit de clichés. En voici une sélection :
Une inscription en particulier attire mon attention, de par sa présence et sa date. Je la note et entame mes recherches une fois rentré. Sur la toile, quelques articles mentionnent une personne qui pourrait correspondre. Un vétéran américain de la Seconde Guerre mondiale. J’écris à l’ambassade de France, qui le décora en 2022 de la Légion d’Honneur, afin d’obtenir les coordonnées de la famille. Réponse positive. Un courriel plus tard, réécrit bien des dizaines de fois, j’obtiens une réponse des enfants du vétéran, qui m’indiquent que ce n’est pas lui… Dommage. L’enquête continue.
Un peu d'histoire
Il m’est toujours difficile d’écrire cette partie historique sans trop en dévoiler, lorsque mon esprit balance entre curiosité temporelle et protection des lieux. Bref… La forteresse Brezno, idéalement située sur un éperon rocheux, domine un cours d’eau et peut ainsi défendre les environs. C’est au début du XIe siècle que débute la construction des bâtiments initiaux pour se terminer au XIIe siècle environ. Puis, la forteresse rebondira sans cesse de propriétaires en propriétaires et subira les affres des époques. Pillée après la Révolution, elle est néanmoins inscrite au Patrimoine historique en 1860. Quelques célébrités y posèrent leur valises. De nos jours, les projets de réhabilitation sont légions mais aucun n’a vu le jour. En attendant, la Forteresse dort et s’effrite.
Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que la Forteresse Brezno sera abandonnée. Respectons-la pour la vie qu’elle accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).