Septembre 2023.
Depuis maintenant plus de six mois, le Château Warta fait l’objet d’un projet de réhabilitation complète par des particuliers. Aussi, merci de respecter le lieux, le projet et les propriétaires. Il ne s’agit plus d’un lieu à explorer ! Il est tellement rare que des lieux revivent que la préservation de celui-ci se doit d’aboutir.
Château Warta (06/2022)
Certains lieux abandonnés s’avèrent, si vous me le permettez, photographiquement anecdotiques. Dans le sens où ils remplissent l’ensemble des critères de l’exploration urbaine : abandonnés, isolés, vitres cassés, portes absentes, arbres poussant à l’intérieur, toiture manquante… Mais leur principal attrait réside dans leur histoire. Et c’est exactement le cas du Château Warta.
Nous nous en approchons dans le milieu d’après-midi après une bonne heure de route. En pleine forêt, nous avançons avec peu de discrétion : sûrs d’être seuls. Vraiment seuls. À peine un petit hameau au loin. Pas de quoi s’inquiéter.
Puis un portail, que nous poussons, dans un grincement sinistre. Quelques centaines mètres après, nous l’apercevons. Fièrement planté là, il dresse ses murs sans toits vers les nuages. Le gris et le rouge brique contrastent avec le vert du feuillage avoisinant.
J’en fais d’abord le tour, qui est curieusement débroussaillé. Plus de plancher, pas d’étage non plus, encore moins de toit… Le Château Warta est en sale état. Mais bien isolé et assez reculé, ce qui aura son importance concernant son histoire, nous le verrons. J’entre par un escalier devenu maintenant plus végétal que minéral et circule dans le rez-de-chaussée. Sensation étrange, je me sens comme un géant car marchant sur les restes du plancher, du premier étage et d’autres couches diverses. Ma tête est parfois à hauteur du plafond.
Restes d’escaliers, carrelage à motifs, arbres dans le salon, restes de cuisinière, cave avec évier en pierre… Le château Warta reste sublime.
Histoire
Le Château Warta semble avoir été érigé au début du XXe siècle par un homme d’affaires apparemment russe, pour sa compagne. Mais les recoins de l’histoire sont plus tortueux que cela et d’après ce que j’ai pu lire il semble que le gentilhomme russe ne le fut pas vraiment. En fait, l’assistant reprend le nom de son patron, à la mort de celui-ci, et se met en ménage avec une chanteuse fortunée. Ils construisent alors cette grande demeure dans la région d’origine de Madame, et l’aménagent somptueusement. Apparemment, des jardins y furent aménagés par des spécialistes. Difficile à imaginer avec cette forêt touffue qu’on aperçoit sur le terrain de nos jours.
Madame acquiert plus tard un titre de noblesse et aime alors se faire appeler Comtesse. De son union avec l’assistant naîtra une fille, non reconnue par son père, semble-t-il. La Comtesse fut apparemment bienfaitrice de sa ville et organisait régulièrement des animations pour les enfants du coin. Mais les meilleurs choses ayant toujours une fin. Monsieur fait faillite et entraîne Madame dans sa chute. Un château coûte cher à entretenir. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le Château Warta est loué par une organisation caritative juive.
Sachant les enfants israélites pourchassés par le régime nazi dans l’ensemble des territoires occupés, cette organisation profite alors du Château Warta pour en cacher près d’une centaine sur place ou dans les familles de la région. La colonie, si on peut l’appeler ainsi, est dirigée par M. qui s’emploie à responsabiliser, accompagner et protéger les garçons et les filles cachées. Elle leur confie par exemple la gestion du budget de la communauté. Mais elle s’attelle également à les soutenir affectivement : séparés de leurs familles et cachés dans un pays étranger, il va sans dire que les enfants sont perturbés.
À l’été 1942, une rafle menée par l’État français conduit les adolescents de plus de 16 ans à Auschwitz, à peine un mois plus tard. L’organisation déclenche alors sans attendre un réseau clandestin pour les enfants les plus menacés. Jusqu’à la Libération, le château Warta constitua un havre de paix pour les enfants cachés. Aucune nouvelle déportation n’y est connue. De nos jours, les associations de mémoire recensent environ 150 enfants sauvé(e)s des griffes nazies.
23 ans plus tard, cette belle demeure est achetée par l’assistant d’une personnalité française. Il y vit avec son épouse pendant près de deux décennies quant un incendie ravage le château dans les années 1980.
Depuis, la bâtisse est à l’abandon et subit les ravages du temps malgré l’héroïsme et l’histoire dont elle fut témoin. Son actuel propriétaire souhaite le vendre à quelqu’un qui en assurerait la rénovation ainsi que la conservation.
16 août 1948
Le château Warta est bien là (rouge) et bien entretenu. On remarque bien les espaces verts dégagés qui le bordent. Mais qui en est propriétaire à cette époque ? Qui y habite ? Mystère.
31 mars 1965
Le temps hivernal déplume les arbres mais nous permet de mieux apercevoir la parcelle (blanc) du château (rouge). Ainsi, on comprends aisément que ce fut un refuge plutôt sûr.
Juillet 1989
Un incendie a ravagé le château. Les toitures ont disparu et cela se remarque bien sur la vue satellite. Plus personne ne semble y vivre et l’abandon débute son œuvre.
18 juillet 2000
Le château Warta est toujours à l’abandon et la forêt l’entoure maintenant complètement. L’état de la parcelle vient confirmer la façon dont elle fut achetée plus tard.
Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que le Château Warta sera abandonné. Respectons-le pour la vie qu’il accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).
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