Caserne 423 (08/2022)

Alors que la sécheresse accable la France, que le moindre brin d’herbe jaunit, que les cranes et les nuques souffrent du soleil écrasant, je repars en exploration pour la première fois depuis deux mois. Arpenter, découvrir, s’émerveiller, apprécier le calme, observer l’œuvre du temps… Ces sensations m’ont manquées.

Cette fois, je suis accompagné de la moitié du célèbre duo Urbex Connection. Le Taureau, qui aujourd’hui en solo, se pare de reflets dorés.
Comme toujours, garés à proximité, nous nous équipons et partons à travers les sentiers de terre des environs. Pas moins de dix minutes plus tard, nous trouvons l’accès à la Caserne 423 : facile, rapide… Pour une fois, j’apprécie de ne pas avoir à ramper ou escalader une clôture.
L’espace est immense, la végétation haute, les arbustes épineux… Mais rapidement, nous approchons des premiers bâtiments. Chose typique des lieux militaires nécessitant de grandes espaces pour manœuvrer, les “plaques de bitume” ne laissent passer les plantes sauvages qu’aux jointures.
Puis, nous approchons des deux plus grands bâtiments en briques rouges et remarquons des installations humaines…

Nous remarquons bien vite que le site est en réalité une friche artistique rebelle initiée par Reaone. Lui et ses acolytes ont investi les bâtiments, maintenant transformés en galerie à ciel ouvert. Bon, nous ne serons pas dépaysés, car la majeure partie des sites abandonnés sont plus au moins tagués. Mais ici, l’intention artistique est manifeste. Tant mieux.

Si les auteurs se reconnaissent, merci de vous signaler afin que je crédite les clichés de vos œuvres.

Après avoir aperçu le local technique, rempli de bombes de peintures et d’autres outils, nous entrons et montons directement au dernier étage. Nous explorons tranquillement, posons notre équipement dans un coin, puis entamons nos prises de vues.

Mais quel sera le parti pris photographique ? Sachant que chaque coin de mur accueille une œuvre d’art… Je décide de photographier celles que j’apprécierai le plus tout en cherchant des éléments d’origine de ce site militaire.

En arpentant le dernier étage de ce bâtiment, je remarque la similitude des pièces. À un bout du bâtiment les sanitaires, à l’autre les chambres plus petites mais spacieuses des officiers sans doute. Si je peux me permettre une estimation, environ 8 à 10 soldats ou appelés pouvaient occuper une chambre.
La diversité des styles et des œuvres recouvrant les murs cassent la monotonie toute militaire de cette caserne. Chaque fois, c’est un nouvel univers, un nouveau voyage.

Outre les sanitaires, assez détruits également, il ne reste aucun mobilier d’époque. Le toit s’effondrer et nous apercevons parfois le toit de tuile au grenier. J’aimerai y monter mais l’accès reste trop bancal et trop dangereux.  Et je ne suis pas encore assez à l’aise pour faire du drone en intérieur.

Dans les sanitaires, je m’esclaffe tout seul après avoir vu une fougère s’épanouir paisiblement. Je pourrai en faire une série de ces fougères de toilettes. Encore quelques explorations, et je me lance, promis !
Au sein de certaines pièces, je découvre également de belles textures, créées par la peinture qui s’écaille, les différences de tons ou encore les débris au sol. L’une, tout en bleu, ressemble étrangement à une carte de notre monde et je m’y perds quelques instants.

Plus loin, une porte, encore en place, attire mon attention. Elle possède une ouverture carrée en son centre. Serait-ce un passe-plat, un soupirail pour surveiller les soldats ? Étrange. La caserne aurait-elle également servi de prison parfois ? Du moins, certaines pièces.

Dans un recoin, je découvre une superbe mise perspective de Reaone. Jouant sur l’enfilade des pièces, il dispose quatre de ses graffs, de couleurs différentes, faits de formes arrondies, tourbillons et pointes. C’est superbe ! Et tellement plus élaboré et travaillé que les simples inscriptions que l’on trouve généralement lors de nos explorations.

Descendus au rez-de-chaussée, nous explorons alors le mess, soit la cantine des officiers. À part le sol en damier, il ne reste plus rien, juste un bar. Nous y posons pour une photo commune. J’observe ensuite les murs, emplis de graffs un peu onirique, parfois unicolore, mais reprenant souvent le motif du sol.

Ayant fini mes clichés pour ce bâtiment, je sors pour quelques photos générales d’extérieures en attendant mon binôme. Puis, je me pose pour profiter du calme, du silence, de la végétation et de cette bulle temporelle et artistique qu’est la Caserne 423.

Le second bâtiment ressemble comme deux gouttes d’eau à son confrère. Si ce n’est qu’au rez-de-chaussée se trouvent des pièces techniques et la cuisine. Je n’y entre pas, un panneau indique la présence d’un nid de chouette effraie. Je monte alors aux étages dont chaque pièce accueille un graff si ce n’est plusieurs. Un par mur.
Parfois, je tombe sur quelques éléments d’origine : des numéros sur les portes des chambres, des indications écrites, mais aussi des inscriptions. Je vous en parle plus bas.

Au dernier étage, lors d’un moment de pose, je remarque des inscriptions sur les murs. Me demandant d’abord si elles sont d’origine, j’en cherche d’autres. Il s’agit surtout de chiffres, du style 63/2, 77/12 ou encore 78/02. Un ami, spécialiste de la chose militaire, m’indique que ces combinaisons peuvent correspondre aux classes des appelés à l’armée. Sa théorie colle avec le bâtiment et son histoire.
Ainsi les appelés du contingent dans des moments d’ennuis, de réflexion, ou de désœuvrement, laissaient des messages, ou plutôt des inscriptions, à destination de leurs confrères, des appelés suivants… et sans doute pour l’histoire. Je remarque également, près du chambranle d’une porte, deux noms : Maryvonne, Thérèse. Qui sont-elles ? Des fiancées qui attendirent leurs moitiés pendant de long mois ou des sœurs, des mères, des amies…
Puis, sur un autre mur bien abîmé, un message plus dur, plus brut mais également plus vrai. “Merde à l’armée”. Il est vrai que chaque appelé n’a pas vécu la même expérience, mais beaucoup de ceux que j’ai pu connaître n’ont pas aimé ces mois. En tout cas, moi qui cherchais des éléments d’origine, je suis servi et heureux.

Nous ressortons pour attaquer les bâtiments plus techniques. En un instant, le soleil nous écrase et la moindre petit parcelle d’ombre nous apparaît comme un paradis. D’un seul étage, vides, envahis par la végétation, les garages accueille de grands espaces et des fosses afin de travailler sur les véhicules. Dans une des pièces, j’aperçois un espace grillagé ainsi qu’un système de rangement numéroté. Celui des outils ou des armes ? Je ne sais pas trop.

Pour finir, nous terminons d’explorer les bâtiments techniques : un immense hangar qui mélange graffs et laine de verre au sol puis de plus petits locaux. Ceux-ci possèdent le toit caractéristique des ateliers (en créneaux triangulaires). Mais rien de détonnant au thème du lieu, des espaces techniques, dans le fond un bureau et également une pièce avec de la moquette. Celle du chef ?

Une fois cette exploration finie, nous ressentons un sentiment de satisfaction. D’avoir cherché, trouvé, exploré, photographié, fouillé dans l’histoire du lieu puis raconté. Ce ne fut pas une exploration exceptionnelle mais très intéressante. Surtout pour la vie artistique et rebelle qui est maintenant la sienne. Longue vie à ce projet !

Merci, cher Taureau, de m’avoir suivi lors de cette exploration ainsi que pour ta sympathie, ta bonne humeur. Tu me feras toujours rire lorsque tu trimballes ton masque dans ces lieux de l’entre-deux.

Histoire

Vous l’aurez sans doute compris à ce stade de votre lecture, ce lieu est militaire. Les casernes constituent aujourd’hui les seuls restes d’une base aérienne dont le passé fut glorieux et chargé. Néanmoins, elles revivent aux mains d’artistes occupant l’immense espace de leurs œuvres gigantesques.

Ci-contre, une vue aérienne du 29 juin 1949. En rouge, les deux casernes, en violet le garage, en bleu l’immense espace et en orange les ateliers techniques.

La base aérienne est imaginée, construite et utilisée quelques temps avant la Seconde guerre mondiale. Cependant, seuls les bâtiments sont posés, les pistes ne sont pas encore conçues. Durant l’Occupation, l’ennemi investit la base et la façonne à son image en y incluant de véritables pistes d’aviation. Bien entendu, vers la fin du conflit, au vu de la position stratégique des lieux, ils sont lourdement bombardés.

Dès la fin des combats, une institution un peu secrète de l’Armée française s’y installe et construit alors les plus grandes pistes d’Europe. Mais elle met également point des infrastructures à la pointe de la technologie de l’époque pour ses activités.

L’ensemble des lieux reste alors un espace stratégique, militaire mais aussi scientifique pendant de nombreuses décennies. C’est dans les années 2010 que la fermeture de cette base est décidée. Elle est de nos jours l’objet d’un grand projet de réhabilitation afin d’en faire une zone d’activités diverses : commerciales, scientifiques, ludiques et autres.

Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que la Caserne 423 sera abandonnée. Respectons-la pour la vie qu’elle accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).