Château Neria (04/2023)

Ce grand domaine, isolé, immense et calme, nous tends les bras. Perdu au milieu des plaines, il promet une exploration tranquille de plusieurs heures. Ce sera tout l’inverse.

Premièrement, à proximité, je fais l’erreur de chercher un endroit pour me garer. Je passe d’un côté puis de l’autre, fais demi-tour là-bas, puis revient au point de départ. Habitué des us et coutumes de la campagne française, je le sens bien, nous sommes déjà repérés. Il y a toujours quelqu’un derrière un rideau ou un agriculteur dans son tracteur qui ont vu quelque chose.

Alors dans un petit bled perdu, une voiture immatriculée dans une autre région qui tourne et repasse, c’est vite repéré. Autant dire que quand je sors de la voiture et embarque mon matériel, mon niveau de stress atteint déjà un beau niveau.
Un sous-bois nous protège des regards alors que nous approchons du château. Un peu marche, d’escalade, rien de bien méchant. Une fois sur le terrain, les herbes hautes nous accueillent. Nous y marchons avec précaution, les chaussures se mouillant tranquillement de la rosée du matin, tout en y repérant le passage d’animaux ou d’autres explorateurs. Un peu courbés, nous parcourons les derniers mètres nous séparant du premier bâtiment à toute vitesse.

L’extérieur est abîmé mais le mot reste faible. Tags, fenêtres cassées, sols éventrés… Le temps est passé, les visites aussi. Repérant un escalier, je propose à C. de monter au premier étage. Pièces vides, plafonds détruits, bâches, flaques d’eau, mousse galopante… Puis dans un couloir en partie vitré, le sol craque… Nous n’irons pas plus loin. Pas de risques inutiles.

De retour au rez-de-chaussée, je remarque qu’un bout de papier est agrafé sur toutes les planches qui protègent les ouvertures. C’est une mise en garde du propriétaire occupant contre les explorateurs et autres énergumènes de passage. Même si son absence est certaine le jour de notre exploration, une nouvelle dose de stress vient s’ajouter à celle du départ.

Mais nous continuons. Le raffut que fait le tracteur de l’agriculteur voisin me rassure en quelques sortes. C’est quand il s’arrête que je redoute quelque chose.

Les salles sont grandes et à l’image du château, bien abîmées. Des portes, clouées ensembles, protègent les ouvertures des entrées indésirables. Ici, une chaise, là une nature morte représentant des pommes, là-bas une pelouse intérieure qui s’épanouit près d’une baie vitrée… Puis au détour de tout ce bazar hétéroclite, une sublime verrière décorée de roses. Des bouts manquent à l’appel, mais j’imagine sans peine sa beauté originelle.

Mon pas se faisant plus pressé, très inconsciemment bien entendu, je me dirige vers une autre partie du rez-de-chaussée. Plus technique, plus sociale et collective, celle-ci apparaît faire partie d’un centre pour la vie en communauté. Son architecture est d’ailleurs plus récente. Les vitres d’un probable réfectoire laissent passer lierre et branchages… D’autres pièces et bâtiments sont à portée d’exploration, mais je monte à l’étage. Qu’ai-je donc avec eux ? Je m’y sens sans doute moins visible et plus en sécurité.

L’étage au-dessus du réfectoire abrite des chambres. Murs, traces, rideaux et disposition des pièces le révèle clairement. Dans l’une d’entre elles, le papier rose accueille des coupures de presse et des photos de célébrités tirées de Télé 7 jours.  Le temps et le soleil ont décoloré ces images et affadit la passion de ce résidant. Dans une autre, pendent d’une fenêtre de toit les restes d’un rideau bleu complétant à merveille l’imagerie des lieux oubliés…

Mais tout d’un coup, le tracteur s’arrête pour la deuxième fois… Je n’étais déjà pas serein mais là, je me dis que quelque chose va passer. Quoi ? Je ne sais pas précisément. Mais n’ayant pas envie d’affronter un quelconque gardien, un voisin ou même un représentant des forces de l’ordre… Nous prenons la décision de nous arrêter là et de repartir du Château Neria.

Cependant, je me dis déjà que je reviendrai car le château ne m’a pas livré tous ses secrets.

Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que le château Neria sera abandonné. Respectons-le pour la vie qu’il accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).