Domaine n°125 (06/2023)

Deux mois plus tard, je ne parviens toujours pas à saisir cette exploration dans son ensemble. Elle reste un mystère, autant par ce que j’y ai vu que par la fatigue ressentie sur le moment. Dernier lieu lors d’un voyage de deux jours, le Domaine n°125 se présente derrière de hautes palissades infranchissables. Seul un mur de deux mètres nous offre un accès. Mais j’ai mal dormi, mes jambes ne soutiennent plus grand-chose et je reste toujours aussi peu mobile et athlétique. Mes deux comparses passent sans problèmes. Quand viens mon tour, la réalité est tout autre. J’ai tout d’un coup l’impression de grimper une paroi rocheuse des Alpes sans matériel ni oxygène et en tongs. Accrocs, griffures et bleus, voilà ma récompense.

Tandis que je tente de calmer mon rythme cardiaque, nous avançons au cœur de la végétation qui entoure le domaine. Quand celui-ci se révèle, il me semble immense et biscornu. L’architecture ne répond à aucune logique, aucun ordre ni symétrie. Passant devant deux petites dépendances pour tenter de trouver une entrée dans le domaine, je remarque bien vite qu’elles sont remplies d’objets divers. Empilés les uns sur les autres, abîmés, rouillés… C’est un véritable capharnaüm.

Et c’est pareil dans le bâtiment principal. Nous ne marchons pas sur le sol, mais sur une couche bien étrange faite de vieux magazines, d’ustensiles, de meubles, de bois. Ça craque, ça glisse, c’est mou… Chaque pas doit être exécuté consciencieusement et calmement. Il y a tant d’affaires, tant de choses que j’ai parfois l’impression d’avoir pénétré chez une personne atteinte du syndrome de Diogène.

Je prends bien quelques clichés, ici et là, quand quelque chose accroche mon regard. Mais je ne sais pas vraiment ce que je vois, ni ne comprends où je suis. C’est comme un rêve où la moindre action, le moindre geste, la moindre pensée est amplifiée.

Finissant le rez-de-chaussée, je souhaite passer à l’étage supérieur mais ne trouve aucun accès. Je cherche mes camarades, en retrouve une mais pas le premier. Où est-il ? Je passe, repasse, cherche, recherche… Introuvable. Devant la bêtise du geste, je l’appelle néanmoins au téléphone. Il ne répond pas non plus. Puis, tout d’un coup, le voilà à une fenêtre : « c’est là-bas, puis fais ça… ». Sa solution ne me paraît pas faisable.

Au final, si. Je cale tant bien que mal une chaise sur un monticule d’appareils divers, tente de me tenir aux murs et essaie de grimper sur le reste d’escalier qui m’attend là-haut… Je vais y passer, je vais finir embroché et j’aurai l’air bien bête devant les secours… Voilà ce que je pense sur l’instant.

Là-haut, tout en marchant prudemment, je découvre une salle immense. Comme un vieux théâtre dont seuls subsistent les murs. Plus de marches, plus de sièges, mais l’espace reste toujours là. Bouche bée, j’examine les alentours, les arbres qui poussent ci et là , les murs couverts de vert… C’est beau et étrange à la fois.

Mais un nouvel appui sur une poutre branlante me ramène au danger du lieu. Ile me tarde de sortir. Et au final, mon cœur ne se calme vraiment qu’une fois assis dans la voiture, prêt à partir.

Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que la Domaine n°125 sera abandonné. Respectons-la pour la vie qu’il accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).