Hôtel de la Vallée (06/2022)
Deuxième jour de notre road-trip entièrement dédié à l’exploration avec Tim. Ce matin, il y a de la route à faire et je suis content de laisser le volant à mon camarade. Je termine ainsi ma nuit. Le ciel, chargé de gros nuages gris, commence seulement à s’éclaircir. Entre deux virages, j’espère que la lumière sera bonne. Déjà que de nombreux espaces de lieux abandonnées sont plongés dans l’obscurité, si en plus les cieux restent gris, les photos ne donneront rien.
Arrivés devant l’Hôtel de la Vallée, je suis étonné de la facilité avec laquelle nous y pénétrons. Pourtant très isolé, j’imaginais barbelés et cadenas mais il nous suffit simplement de traverser la route, et de pousser une porte de garage.
Je branche ma GoPro et commence par faire un tour complet des lieux à ma disposition. Je veux tenter quelque chose de nouveau, mais au final, le soir, en copiant les fichiers sur ordinateur, je serai déçu. Cette vidéo me servira donc seulement de souvenir.
Trépied déplié, réflex attaché à la rotule, je commence enfin à photographier l’hôtel par une véranda ouverte à tous vents. Tables, chaises, tissus, pancartes, bouteilles cassées et autres attributs classiques des lieux abandonnés trônent calmement dans l’espace. Une gouttière percée fait goutter l’eau de la nuit sur la tôle. Et le tac-tac du goutte-à-goutte ainsi créé rythme mes premiers clichés. Complètement bercé par cette musique, j’en resterai conscient au point de remarquer les moindres changements de rythme ou de son.
La véranda constitue clairement un des espaces de restauration de l’Hôtel : vue sur la vallée, chant de la rivière, verdure omniprésente… Ce devrait être très agréable.
Les murs de la pièce attenante à la véranda sont recouverts d’un enduit orange ignoble et bien trop lumineux à mon goût. Les traces de palette sont encore visibles. Je sais bien que c’était un style décoratif à la fin des années 1990 et au début des années 2000, mais c’est hideux. Je tente d’en faire abstraction tant bien que mal en explorant les cartons, tables, meubles et appareils laissés là. Là, un fax Samsung, témoin d’une époque révolue, là-bas, un parapluie en partie brûlé, ici, un lustre en verre… Il ne reste pas grand chose qui permette d’en apprendre plus sur l’Hôtel de la Vallée. Seuls quelques papiers de comptabilité m’éclairent un peu.
Je rebrousse chemin et m’oriente vers les cuisines.
Cachés dans la pénombre, je devine tout de même quelques appareils électroménagers typiques des lieux collectifs. Pianos, fours et autres frigos de stockage. Dans un coin, comme un tentative de rangement ou de réhabilitation, traînent des barres métalliques. Celles du plafond ? Puis au fond une étrange chaise, travaillée, aux motifs élaborés regarde le temps passer. La vision est étonnante mais belle, bien qu’elle soit très certainement le fruit d’une mise en scène.
Une porte d’accès aux cuisines, bien que cadenassée, ne retient plus vraiment les explorateurs et curieux de passage. La pièce suivante, une autre cuisine, est extrêmement sombre et en y entrant, je suis surpris par deux chauves-souris qui s’évadent de la cave en vitesse.
Il me semble être dans une pièce à la double fonction, à la fois cuisine mais également espace de préparation, de repos du personnel. Je ne parviens pas à le savoir vraiment. Un accès mène à la cave, une table accueille une antique cafetière, au fond, de petits vaisseliers…
Au sol, des prospectus vantent le côté traditionnel, gastronomique et français de l’Hôtel. La matriarche y figure en bonne place, les grands crus de la cave et l’offre d’hébergement également. Je m’oriente vers le fond à gauche, ignorant sciemment la cave aux chauve-souris et que j’imagine déjà bien pillée.
Le même crépis jaune/orange ressurgit et envahit tous les murs sans exceptions. Dans cette petite pièce, une armoire, immense et lourde. De celles que l’on retrouve dans les demeures campagnardes de France. Salon, nouvel espace de restauration… Je ne sais pas trop. Il ne reste plus grand chose d’origine. Cet hôtel fut visité par un explorateur célèbre dans le milieu et le passage dut y être très fréquent avant notre visite. D’ailleurs, je remarque au sol, les cartons d’emballage de matelas gonflables.
Les autres pièces restent semblables et j’éprouve alors un court malaise à ne pas savoir où je me trouve. Cet hôtel prends parfois l’aspect d’un vrai labyrinthe Chaque espace donne sur l’extérieur et reste ainsi indépendant tout en étant interconnectés aux autres. Mais leurs fonctions m’échappent.
Après une pièce bien sombre, des sanitaires inondés, je me retrouve dans un autre grand espace aux baies vitrés envahies par la végétation. Décidément, je reste facilement subjugué par le lierre envahissant tout, trouvant toujours un moyen de passer à l’intérieur.
Ce labyrinthe n’en finit donc pas ou alors l’Hôtel de la vallée pouvait accueillir un nombre infini de convives.
À l’écriture, me revient alors en mémoire cette petite pièce non photographiée qui servait d’accueil général. J’y tombe sur des agendas et carnets de commande. Un jour, 300 couverts seront servis pour le déjeuner. Les propriétaires fermèrent pour le dîner, leur chiffre effectué. C’était donc ça, toutes cette pièces… D’innombrables salles à manger. Le nom fictif de cet Hôtel de la Vallée devrait plutôt s’orienter vers L’Auberge Infinie.
Je monte maintenant un petit escalier biscornu pour accéder aux chambres et retrouve encore ce crépit bien hideux, du moins dans le couloir. Comme dans tout hôtel qui se respecte, le choix est grand : petite chambre, moyenne ou suite. J’explore, paisiblement, entre les éviers cassés, les radiateurs renversés, les tables déplacées. Et essaie de m’imaginer la vie des hôtes dans cet hôtel maintenant oublié du temps et des hommes. Entre visites touristiques et gastronomie, la vie devait être douce. Du moins jusqu’en 2011, si j’en crois les documents aperçus.
Enfin, voilà que nous avons terminé d’explorer ce labyrinthe hôtelier. Nous ressortons et prenons quelques clichés de la façade et de la végétation qui l’envahit. Néanmoins, nous les publions pas afin de conserver la localisation exacte de l’Hôtel de la Vallée. Elle est trop reconnaissable et son emplacement serait découvert en deux en trois mouvement.
Puis, Tim remarque une autre bâtisse, dans les mêmes couleurs que l’hôtel, mais du côté opposé de la route. Nous y allons et découvrons des chambres supplémentaires. Vraiment, cet hôtel ne paye pas de mine mais pouvait accueillir énormément de monde pour sa situation.
Instant
35 secondes d’ambiance sonore et visuelle dans une chambre de l’Hôtel de la Vallée. Vous pourrez entendre le chant des oiseaux et le faible ronronnement de la rivière.
Montage avec DaVinci Resolve 17.
Pour la petite histoire
Lorsque l’on fouille un peu l’histoire de cet hôtel, les superlatifs semblent ne pas manquer pour décrire la situation, la cave, les plats proposés et l’ambiance générale. Ris de veau à la crème et aux morilles, petite nage d’écrevisses, jambon cuit au foin, pied de cochon ou encore andouillette au chou tiède… sous la tonnelle de glycine, ce devait être exceptionnel. On y faisait bonne chère et bonne hydratation. Plusieurs milliers références ornent la cave, allant du château Yquem au Petrus en passant par le Mouton Rotschild.
Le dernier propriétaire connu reprend l’affaire vers 1983 et est déjà la troisième génération : père et grand-mère étaient passés avant. Je ne parviens pas à remonter plus avant dans l’histoire, mais des cartes postales traînent en ligne et montrent d’antiques tractions avant devant l’établissement. Il dû être fondé dans l’entre deux guerres. De nos jours, l’ancien propriétaire de cet hôtel semble avoir repris une activité hôtelière dans la même région.
Les vues satellites ne montrent malheureusement pas grand chose au fil des années. Peu de changement et rien de très compréhensible sur un lieu aussi ramassé sur lui-même.
Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que l’Hôtel de la Vallée sera abandonné. Respectons-le pour la vie qu’il accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).