Un peu photographe, un peu curieux, surtout passionné…
Le Ruskin (04/2023)
Départ matinal dans le brouillard. Je n’y vois pas à 10 mètres et c’est le moment que choisis ma voiture pour me faire un faux contact sur les feux de croisement et de brouillard. Tout en maintenant la conversation avec C. qui m’accompagne, je redouble de prudence. Ces vingt minutes de route semblent s’éterniser. La faute à ces petites routes et ces virages de la campagne française.
Le brouillard perdurant, nous nous garons à proximité, enfilons nos sacs et partons de suite à l’assaut du Ruskin. Première porte fermée, la seconde également, ce n’est que la troisième qui nous permet de pénétrer dans les salles obscures de cette discothèque abandonnée. Comme tout lieu délaissé, le sol est jonché de restes de plafonds, de chaises, de bout de murs et autres objets divers. À la lampe, nous avançons calmement, une chute étant si vite arrivée. Mais nous sommes bien vite déçus, ce rez-de-chaussée est bien détruit, sans grand intérêt. Une colonie de chauve-souris s’évade et virevolte en cherchant la sortie.
Des escaliers nous mènent au premier étage. Après quelques secondes, mes yeux s’habituent enfin à la lumière grise qui pénètre dans cette pièce immense. Le décor extérieur, caché par le brouillard, manque à l’appel. Le Ruskin semble être seul au milieu de nulle part. Tags, graffitis, laine de verre au sol, fauteuils déchirés, gobelets, vinyles cassés, faux plafond abîmé… L’ensemble des critères de l’abandon sont cochés. Je photographie l’immensité en tentant de m’imaginer la salle remplie de danseurs sous les feux des lumières colorées. Pour une fois, pas besoin de grand angle, mon vieux matériel suffit à saisir l’ensemble.
Sur une table, des gobelets en plastique accompagnent une bouteille de vodka et quelques vinyles brisés. Seuls ces derniers paraissent d’origines. Je note le titre pour me le rejouer plus tard lors de ma session de retouche au retour : Every Time You Go Away – Extended Remix Version de Paul Young. Mettez-vous aussi dans l’ambiance.
Nous arpentons maintenant un espace extérieur qui relie l’ensemble des salles de danses. Une piscine, maintenant dépotoir, devait ravir les clubbeurs échaudés. Tout cela me semble bien étrange, n’ayant jamais fréquenté ce genre d’endroit.
Empruntant un couloir aux murs moquettés de velours violet, nous réalisons nous trouver dans l’entrée. Prix, caisses, vieux moniteurs de surveillance gisent là, perdus. Une porte à code m’intrigue quelques secondes. Des secrets à garder bien aux chauds ?
Une autre salle de danse immense, tout aussi défoncée que les précédentes. Une piscine en plein milieu. Décidément… Au sol, de vieux flyers de soirées, d’affiches, de boîtes de matériel audio. Encore quelques fauteuils déchirés.
Puis en hauteur, une mezzanine assez imposante, propices aux échanges discrets, aux rencontres. L’état global du Ruskin nous empêche d’explorer entièrement ces hauteurs. Par un autre escalier nous trouvons les bureaux, les remises… Et puis derrière une porte un dissimulée, deux chambres et deux douches. C. et moi cogitons. Pas de fenêtres, une entrée cachée… Serait-ce des chambres de passes ? Sans doute. Très probablement. Surtout dans le milieu de la nuit.
Nous explorons maintenant l’arrière du Ruskin composé de grands hangars. Vides, détruits en partie et recouverts d’inscriptions. Leur utilité m’échappe. Que font-ils là ? Espace de réserve, second lieu, parking couvert ? Bref, leur intérêt visuel étant limité, nous nous apprêtons à sortir quand j’aperçois le parking et ses spots lumineux brisant le brouillard. Il est immense et traduit alors l’ancienne vie du Ruskin. Celui-ci devait attirer beaucoup de monde dans les environs.
Un peu d'histoire
2 hectares, plus de 5000 mètres carrés de bâtiments, 4 salles avec ambiances différentes, un parking immense… Les superlatifs ne manquent pas pour décrire le Ruskin dans les articles de presses et sites Internet. Néanmoins, l’abandon semble dater du milieu des années 2010 suite à un déclin de la situation. Nuisances sonores, violences entre les clubbeurs… Les propriétaires seront déclarés en liquidation judiciaire.
Presque 10 ans d’abandon ont détruit le site qui appartient maintenant à la commune. Acquis pour une bouchée de pain, l’ensemble n’est toujours pas reconstruit.
D’après les vues satellites, nous n’apprenons pas beaucoup de choses si ce n’est que le site existe en 1989, mais ne devient complet comme discothèque qu’aux environ de 1997.
Je ne peux publier plus sous peine de révéler bien trop d’éléments sur ce lieu, menant à sa destruction.
Ne cherchez pas d’infos de localisation ou une partie histoire détaillée sur ce lieu, je n’en donnerai pas ni n’en publierai tant que le Ruskin sera abandonné. Respectons-le pour la vie qu’il accueillit jadis, pour les gens qu’y vécurent et pour son éventuelle future vie (destruction, réhabilitation…).